On est loin du raz de marée, mais la tendance est bien là : les produits bio font une percée dans les cantines scolaires. Entre 2004 et 2007, le nombre de repas a presque été multiplié par dix. Dans ce domaine, les villes de Lons-le-Saunier (Jura) ou de Lorient (Morbihan) font figure de pionnières. Toutes deux ont introduit les denrées 100 % naturelles dans la restauration collective depuis près de dix ans. « Les crises alimentaires, avec la maladie de la vache folle, la dioxine, la fièvre aphteuse, ont constitué des éléments déclencheurs », explique Christophe Bouillaux, directeur de la restauration municipale à Lorient.
Alors que la part du bio ne représente, en France, que 0,5 % des repas servis à l’école, elle compte pour 25 % des achats de nourriture dans les cantines de la cité lorientaise. Commencée, en 1998, avec l’introduction des yaourts, la montée en puissance du bio a été très progressive et s’est ancrée, autant que possible, sur la production locale et régionale.
Certains produits 100 % naturels peuvent coûter deux fois plus cher, notamment la viande. Pour limiter les surcoûts, les services de la restauration municipale ont veillé à la composition des menus, cuisiné beaucoup plutôt que d’acheter des plats préparés, fait preuve d’une grande rigueur sur les quantités… Au final, « les prix de revient des repas à Lorient ne sont pas plus chers que dans la plupart des communes aux menus conventionnels », assure M. Bouillaux.
A Lons-le-Saunier, l’idée de se lancer dans le bio est venue d’un problème de pollution de la nappe phréatique par les nitrates. « Pour y remédier, la ville a incité les agriculteurs à planter du blé bio dans la zone de captage, explique Didier Thevenet, directeur de la restauration scolaire. Du coup, on a décidé d’utiliser ce blé pour faire du pain qui alimente la restauration collective de la commune. »
Par la suite, un accord a été passé avec l’Ecole nationale de l’industrie laitière de Poligny qui fournit, désormais, yaourts nature et aromatisés bio pour la commune. « Avec un coût de revient entre 15 centimes d’euros et 18 centimes d’euros, ils nous coûtent moins cher que des yaourts ordinaires au lait entier », assure M. Thevenet.
Pour limiter le prix de la viande, la ville achète des vaches montbéliardes vivantes et s’occupe de les conduire à l’abattoir. A partir de septembre, pommes de terre, carottes, betteraves bio vont faire également leur apparition dans les assiettes grâce à des aides apportées à un agriculteur local.
« Faire du bio, ce n’est pas intégrer bêtement des produits sans se préoccuper d’où ils viennent, insiste Didier Thevenet. Je suis pour le commerce équitable local. » Les produits du terroir présentent un avantage majeur par rapport aux produits bio importés : limiter la pollution générée par le transport.
La ville de Brest a fait son entrée tout récemment dans le club de la restauration bio à l’occasion du renouvellement de la délégation de service public à la Sodexho en juillet 2007. « Nous avons commencé par remplacer les aliments qui contenaient le plus de produits phytosanitaires, carottes, pommes de terre, salades« , explique Marc Sawicki, maire adjoint chargé de l’éducation.
Aujourd’hui, l’objectif est de raccourcir les circuits de distribution. « Les carottes que nous importions d’Italie viennent désormais du nord du Finistère », explique Thierry Velly, responsable du service périscolaire de la ville. Un travail de persuasion et de sensibilisation a également été engagé auprès des enfants, parfois déconcertés par l’apparence et le goût des produits naturels.
Premier département bio de France, la Drôme a lancé, en 2004, le programme « Manger mieux, manger bio » qui concerne aujourd’hui plus de la moitié des collèges. Reste que toutes les collectivités n’ont pas la chance d’avoir des filières locales d’approvisionnement. « Il est plus simple de faire du bio à Lorient qu’à Paris, explique Jean-Jacques Azan, directeur de la restauration scolaire dans le 12e arrondissement. Nous avons connu plusieurs déconvenues liées à des ruptures d’approvisionnement. Du coup, nous avons privilégié les produits frais. » En septembre, la cuisine du 12e arrondissement renouvelle l’expérience sur les féculents bio. « Si on est livré correctement, on poursuivra sur l’année« , prévoit M. Azan.
Les conclusions du Grenelle de l’environnement, qui fixent à 15 % en 2010 et à 20 % en 2012 la part des produits biologiques dans la restauration collective publique, sont-elles réalistes ? Pour y parvenir, le gouvernement a fixé l’objectif de porter à 6 %, en 2013, et 20 %, en 2020, la part de la surface agricole utile dévolue au bio. « Il n’y a pas actuellement de mesures suffisamment incitatives pour que la production conventionnelle se tourne vers le biologique », considère Eric Grunewald, de la Fédération nationale d’agriculture biologique. « L’élargissement du système d’aide est actuellement en discussion », assure Elizabeth Mercier, directrice de l’Agence Bio. En attendant, les Assises nationales de l’agriculture biologique, à Paris, le 8 octobre, seront consacrées à la restauration collective et présenteront les bonnes pratiques en la matière.
[source] Le Monde – 16.09.08 – Martine Laronche