«On ne se moque pas de lui mais il reste dans son coin parce qu’il ne peut pas vraiment jouer avec nous. Il a du mal à courir parce qu’il est trop gros. C’est bien triste pour lui…» Maxime, neuf ans et demi, résume bien dans son langage d’enfant la situation quotidienne de son ami Grégory auquel il voue tout de même une solide affection.
Avec le «Pacte des petits loups», qui vient de débuter dans les cantines scolaires de Nice où il concerne plus de 20 000 enfants des maternelles et des classes primaires, la lutte contre l’obésité enfantine met les bouchées doubles.
C’est une première en France qui pourra sans doute servir de test à l’heure où les statistiques révèlent une moyenne nationale de 16% d’enfants concernés par un début d’obésité. Une moyenne qui frôle même les 20% dans le Midi. En une dizaine d’années, le nombre de «petits gros» a été multiplié, en moyenne, par sept.
Les résultats sont là, avec une autre notion qui assombrit encore ce tableau : on sait désormais que les deux tiers de ces enfants «trop gros» sont voués à devenir des adultes obèses, plus ou moins sévèrement handicapés. D’où la nécessité urgente de recourir, dès la maternelle, à des repas scolaires diététiques capables de corriger des habitudes alimentaires aux conséquences désastreuses.
C’est ce qui a motivé les responsables niçois d’Azur Restauration, concessionnaire de cantines scolaires de la ville, pour mettre au point ce nouveau «Pacte des petits loups» dont il s’agit de calmer la faim tout en procédant à un minutieux dosage des calories servies dans les réfectoires. Autrement dit, un strict respect au niveau des assiettes des enfants de trois à quatorze ans demi-pensionnaires, de pourcentages moyens, voisins de 12% de protéines, 33% au maximum de lipides et environ 55% de glucides. Autre notion importante : l’apport à chaque repas de 90 grammes de calcium pour les petits de la maternelle et de 110 grammes pour leurs aînés des primaires.
Le «Pacte des petits loups», c’est aussi un engagement visant à faire évoluer les goûts dans le bon sens. Avec la présence sur les plateaux de fruits et légumes aux vertus d’élimination et de protection de l’organisme.
Il s’agit aussi de freiner le goût des enfants vis-à-vis des saveurs sucrées. Aussi bien avec des desserts sans sucre ajouté, dans la proportion désormais de 12 sur 20. Vive le renouveau des salades de fruits ! Même orientation nouvelle pour les boissons : de l’eau pure ou des jus de fruits sans sucre plutôt que des sodas que l’on devra à l’avenir réserver à des fêtes ou des anniversaires.
Et puis reparaît le principe de mieux manger raisonnablement pour être apte à mieux bouger, ce qui revient à grandir sans grossir. Des visites de partenaires sportifs régionaux, tels que les footballeurs de l’OGC Nice, seront organisées tout au long de l’année, à l’heure des desserts, pour encourager les activités physiques.
La formule est simple dans sa vocation de base : un meilleur équilibre alimentaire grâce à la chasse aux graisses et sucres en excès. Elle est plébiscitée par des parents qui, comme Sabine, une mère de famille de 37 ans, avouent être «dépassés par des grignotages intempestifs des enfants devant des écrans ou des consoles de jeux». Beaucoup sont ravis de voir l’école prendre une discipline alimentaire qu’ils ont bien du mal à imposer à la maison compte tenu de leurs propres horaires décousus.
Quant aux petits élèves niçois déjà touchés par un début d’obésité assez marquée, ils se voient désormais proposer à la cantine, sur demandes de leurs parents ou sur certificats médicaux, des menus encore plus minutieusement dosés en calories. Des menus intitulés VIP. Pas de quoi complexer par conséquent…
[SOURCE] Le Figaro – 14 septembre 2004 – André Lucchesi